Chapitre 1 : Weekend a Rome sans Rome.
“FUUUUUUUCK”
The Invisibles. Grant Morrison.
Traversant le nuage de
fumée de clope à l'odeur finalement familière, le jeune homme roux rentra en
pestant dans le préau couvert. L’hiver était particulièrement rigoureux cette
année, et a présent le jeune homme était prêt a tout pour provoquer le
réchauffement planétaire. Mais il ne pouvait rien faire, tant pis. C'était sa
façon de penser, à Raoul. Avec un nom pareil, « Raaaaaooouuulleeuh »,
il n'était pas des plus social, bien trop souvent sujet de brimades sur son
nom. Y’en a qui s’amuse de peu, tant mieux pour eux, mais Raoul avait du coup
préféré son petit monde a lui. Un passé chargé vous façonne à ce genre de
comportement, et même si il n’était pas le plus malheureux, il était encore
seul juge de ce qu'il estimait supportable. Pour lui et pour ses amis. Raoul
n’était pas banal, et se vautrait allègrement dans son anormalité avec un
certain plaisir, surtout depuis la fin du collège et surtout, depuis qu’il
avait 18 ans. Roux donc, cheveux court, fringué large et d'un rouge vif qui
s'accordait parfaitement avec son nez enrhumé posé au milieu de son visage long
un peu carré, entre deux yeux large et vert. La foule pressé devant le lycée
fumait, comme une usine a bruit et a rire. Les regards se tournaient sur son
passage. Au collège, Raoul provoquait les rires de ses « camarades »,
mais a présent, il était une présence gênante, dérangeante pour les autres. Il
avait le sentiment de devoir leur rappeler que des gens comme lui existent, qu’ils
ne vivent pas dans un monde d’ignorant abreuvé de télé mais qu’il existe aussi
des gens qui lisent et qui pensent par eux même. Il adorait ça. Il traversa la
préau et grimpa les quatre marches qui le séparait de la "bande de
jeunes" avec qui il "traînait", au dire de ses parents. Ils
était installés sur une sorte de palier avant le premier étage du lycée. Ils
surplombait le reste des gens massé sous le préau en quête de chaleur. Eux, ils
avaient un radiateur.
-Salut, dit il de sa voix
un peu enrouée.
-Salut collège
-Salut.
-dérangeante
-Salut.
La bande était d’accord,
ils étaient asociaux, mais leur petit cercle valait bien mieux qu’une chaîne de
dix mille personne se connaissant par SMS. Ça leur fait un point commun et un
sujet de discussion. La "bande" de Raoul lui plaisait bien. Il salua
Eve, une fille de hippie qui avait rejeté cette idéologie comme toutes ado rejette
ses parents. Elle s'était construite un personnage de craquette violente et
inébranlable, blonde à faire mal aux yeux, elle criait et affichait un
anti-américanisme qui saoulait même ses potes. Et elle avait un
« tatouage », une boule a pic noire en bas du dos. Ça faisait
scandale à la piscine. Il fit la bise a
Emilie, grande brune un brin lunatique. Malgré sa passion pour les animaux, les
chat tout particulièrement et son caractère tendre, elle éprouvait un grande
joie a visionner des heure de snuff movies et autre atrocité du genre humain
genre perceuse dans le trou de la bite. Elle disait préférer les animaux aux
hommes, qui se font trop de souci pour rien. Il salua Nicolas. Nicolas était
parfait. Beau, grand, fort, intelligent et doué d'un talent artistique et
créatif sans égal. Cette perfection avait fait de lui un exclu, en tant que
rival potentiel de tout le monde. Il était blond, grand et large, une statue
grecque en poncho « équitable ».Calme et réfléchi, il calmait souvent
les ardeurs du groupe, créant pas mal de déception mais la bande lui devait
beaucoup tout de même. Enfin, Raoul salua Sophie. C’était une petite rousse,
toujours prête a rigoler, sérieuse mais n'hésitant jamais sur une occasion de
s'amuser. Quoi de plus normal, si c'est sans prendre en compte sa fâcheuse
tendance à ruiner la vie des gens. Pas quelle soit méchante, mais, et ce fut
prouvé plus d'une fois, par les victimes notamment : elle porte la poisse.
Croyez le ou non était sa devise, et malheureusement elle rajoutait « Je
vous avait prévenus ». Heureusement, elle était canon, et sa courbe
faisait tourner bien des regards. Elle et Emilie étaient les meilleures amies
du monde et c’était parti pour durer.
Ces gens la, Raoul les aimait, pas les aimait
« bien », mais les aimait. Des amis soudés pour l'éternité, qu'on
verrait facilement bras à bras comme sur les affiches de propagande soviétique
ou dans une série de roman d’aventure-enquète d’un bibliothèque bleu, verte,
jaune… Chacun avait sûrement commencé la vie dans son coin, mais le destin les
avait réuni pour affronter les mêmes ennemis : un quotidien triste, une
foule normalisée qui ne voudrait jamais d’eux, comme amis et comme ennemis.
Discutant de la pluie et du beau temps, les cinq compères ne virent pas la
sonnerie arriver, trop pris à se plaindre d'un vent sec et glacial causé en
partie par le microclimat de la ville, tandis que tout le reste du pays
croulait sous 1.50m de neige. La
France
Réalisant finalement que la
sonnerie avait sonné et dérangés par les badauds montant les escaliers, ils se
remédièrent à grimper trois étages et à parcourir 50 mètres
-J’ai rien pour vous les
crevards, lâcha elle avec son cynisme de huit heure du matin a l’attention des traînes
savates affalés le long du mur.
-On se voit à l’escalier,
sale L ! , lui lança Sophie. La blague était récurrente. La grande punk
lui tira la langue et se laissa tomber contre le mur, son sac à ses pieds,
pendant que les quatre autre continuaient.
Arrivés devant la salle de
leur cours de Géographie, les « intellos » se pressant devant,
ils attendirent. Les quatre jeunes gens n’avaient pas remarqué la prof qui les
suivait depuis toute la longueur du couloir. Mme Robert jeta à Emilie une
tentative de regard méprisant du haut de ses 1.62m. Obligée de baisser la tête
pour le lui rendre, Emilie renonça à la futilité du peu de plaisir sadique
qu'elle aurait récolté dans l'entreprise. Il n’y avait que les profs pour espérer
tirer un peu de plaisir à se sentir « au dessus des autres ». La prof
ouvrit la porte, lâcha un "merde" étouffé, pour rassurer les jeunes
dans leur idée de prof poli et imperturbable, et serra son sac contre elle.
Elle referma la porte et se tourna vers ses élèves, l’air un peu dépitée.
C’était une femme d’un certain age, qui cachait son regard vitreux derrière des
lunettes pointues et un maquillage trop épais. Sa peau semblait pendouiller sur
son corps filandreux comme du linge humide. Elle parla de sa voix couinante.
"Bon, on va aller
salle 404, ils nous faut un lecteur DVD, dit elle de sa voix nasillarde.
-on va voir quoi m’dame ?
demanda un rasta blanc d'une voix lasse.
-je parie sur Nuit et
Brouillard, soupira pour elle Sophie.
-nan, on est dans
l’constructivisme russe, commenta Nicolas.
-Le Cuirassé Potemkine,
chef-d'oeuvre du cinéma russe des années 20, répondit la prof.
-Bien joué Nico.
-J’ai arrêté de compter,
dit le grand blond.
-Oi, rajouta Raoul a leur
intention pour leur dire de suivra le groupe déjà en branle le long du couloir.
-Genre t’es pressé.
-Pressé de dormir
ouais !
Tandis qu'ils grimpaient un
étage de plus, l'idée d'une séance de cinéma muet à 8h
La salle 404 servait pour
le club de photo/vidéo/audio du lycée. Elle n'avait donc pas servi depuis 2
ans, le niveau des activités culturelles du lycée ayant atteint un point mort
depuis l’incendie de la salle d’art plastique. Les élèves s'installèrent pour
leur sieste dans un assourdissant fracas de chaises qu'on traîne. Les six
s'installèrent comme toujours dans le fond, espérant un radiateur chaud. Espoir
vain, comme toujours, le radiateur était d’un froid métallique à faire frémir
un viking. Le film commençait, et déjà les esprits s’égaraient, a l’exception
de certain captivé par un aspect précis du film. Ils étaient peu nombreux.
-Alors ta PS remarche ?
demanda Sophie a voix basse, retournée vers Raoul et Nicolas derrière elle. Ils
étaient dans le fond, le plus loin de la porte et du bureau de la prof.
-Mouais, je sais pas
c’qu’elle nous a fait hier. Parla t’il. Sa voix portait un peu trop, et la prof
lâcha un « chh » mécaniques, captivée par la lutte soviétique.
-Elle a trop chauffée je
suppose, on l’a fait tournée tout le week-end, reprit Nicolas. Sa voix était
assez discrète et pourtant il parlait clairement. Emilie se retourna à son
tour.
-Vous avez joué a quoi pour
que ça vous tienne tout le week-end ? demanda t’elle.
-Colossus, dirent en même
temps Raoul et Nicolas.
-Il est si bien que ça.
-Ouais, même peut être
plus. Rajouta Nicolas. Et toi, fini d’emménager ?
-Ouais, c’est bon, ça sent
la poussière mais au moins j’suis chez moi, répondit Emilie.
-T’aurais pu prendre un
truc sur Vierzon quand même Ça aurais pu faire un bon squatt, rajouta Raoul.
-Nan, y’a déjà ta baraque,
et pis y’a rien d’autre a Vierzon. Continua Emilie
-Chh, ponctua la prof.
-Ça doit surtout être
tranquille, personne doit venir t’emmerder, repris Sophie.
-Ouais carrément,
maintenant j’ai plus qu’à savourer.
-Je sais pas comment tu
fais, moi j’aurais tout claqué d’un coup.
-Toi tu t’habilles en rouge
vif.
-Mais j’aime bien l’rouge.
-Ça on l’sait.
-ben zut.
-Taisez vous au fond, clama
la prof. La classe ne ricana même pas, noyé dans une apathie rare et spécifique
au cours d’histoire géo.
Tandis que le médecin
constatait la présence de ver dans la viande des matelots, Raoul, plongé dans
un ennui profond pareil à celui que l'on a tous connu durant les "plus
belles années de notre vie", eu une idée. Une petite idée idiote et sans
valeur dans l’hypothétique noosphère : La salle était munie de sorte de
plinthe, a mi hauteur des murs, le long des tables. Elle dissimulait des prises
et câbles réseau n'ayant jamais servis. Cependant, à l'aide d'une règle en
plastique, on pouvait en décrocher le bord extérieur révélant une petite cavité
et y placer un mot d'esprit ou mieux, un objet. Il était improbable qu’il
trouve quoi que ce soit dans la salle abandonnée depuis quelques années, mais
on ne sait jamais. Nicolas était absorbé par le film, Raoul ayant soupçonné
chez lui des origines russes, il comprenait l’infime intérêt qu’il pouvait
trouver dans le Potemkine.
Alors que l'ennui
catatonique le quittait laissant place à l'excitation suscitée par l’acte
anarchique et presque archéologique, Raoul saisit sa règle brisée à 14cm. Un
petit remous de trousse et le silence a nouveau. Il glissa l'objet dans le fin
interstice séparant la plinthe du mur et, se rappelant avec joie pourquoi il
était en L, pour ne savoir que le strict nécessaire en physique et pouvoir se
passer d’un double décimètre gradué, il appliqua ses connaissance mécaniques et
le morceau de plastique de la plinthe se sépara pour retomber contre la table,
merveille du levier, génie de Syracuse.
-Chh !
La plinthe se décrocha aisément mais non sans
soulever un petit nuage de poussière, qui dans la fine lumière filtrant à
travers les stores médiocres du lycée, donnait un aspect magique a cette action
inutile. Cependant, Raoul, qui espérait au max un petit mot "celui qui
trouve ça est un con", se tourna vers Nicolas, assis a coté de lui, tandis
que, alertés par le petit bruit, Emilie et Sophie s'étaient tourné vers lui,
sans la moindre discrétion. Le cinéma expressionniste russe semblait absorber
l’intégralité de l’attention de l’enseignante, en dépit de celle des élèves.
Derrière la plinthe, une plus grande cavité était creusée dans le mur.
-Ça, c’est le truc
stupéfiant !
-Tu m’étonnes John.
-Bon Jack, tu la fouilles
ta « hatch » ?
La grotte avait juste la
taille pour y passer une main, une grande main quand même. Dans le fond du trou
était posé une cassette vidéo, sur la tranche. Raoul la saisit, il souffla sur
l’étiquette en projetant un nuage de poussière blanche, découvrant une écriture
ronde, bien proprette, indiquant…
-« La Rose
-Du porno amateur de prof ?
Espéra à voix tout juste haute Emilie
-J’espère pas…Sauf si y’a
Berthier "répondit Raoul, finalement habitué à entendre ces sons de la
voix charmante d'Emilie.
-C’est vrai que j’en ferait
bien mon quatre heure de celle la, conclut elle. Emilie faisait rarement étalage
de sa préférence pour la gente féminine, mais le professeur Berthier était
vraiment une très belle femme.
La sonnerie retentit alors
qu'un landau dévalait les marche d'une place quelconque de Russie
(« Odessa ! ») sur l'écran sale de la télé. Probablement Odessa.
La prof ralluma la lumière avec cette violence qui vous fait pleurer sans vous
faire mal. Ce choc sortit Raoul de son hypnotisme devant la cassette. La pluie
commençait à tomber dehors. Il neigeait partout sauf à Vierzon. Il pourrait
presque se rassurer en se disant que c’était parce qu’il faisait « trop
chaud ». Raoul se leva comme si il sortait du sommeil, un peu après tout
le monde. Il rangea discrètement la cassette dans son sac quasi-vide et enfila
son blouson. Les trois autres esquissèrent un petit sourire. Ils adoraient ce
genre de plan que seul Raoul arrivait à dégotter. Sacs sur les épaules, ils
sortirent tout les quatre et descendirent les quatre étages durement grimpés
deux heures plus tôt.
-Si c’est un porno, on
l’met sur You Tube dit Sophie naturellement.
-Non, ça sera censuré,
commenta Nicolas.
-Pas si on l’intègre a une AMV
« Advent Children/ Dir en Grey », rajouta Raoul.
-Ok, tu la fais, se moqua
Emilie.
-Non ! clama Raoul,
réalisant son erreur.
-On met ça sur Pornotube et
personne ne fera d’AMV, termina Emilie.
-Faut encore trouver un
magneto.
Ils acquiescèrent. Il
arrivent sous le préau et s’assirent dans « leur coin », cette sorte
de petit marchepied inutile, entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Du
haut des marches, Sophie vit Eve qui discutait avec une sorte de mini elle-même,
un peu a part d’un groupe d’autres minuscules secondes. La petite blonde était
emmitouflée dans des habits d’hiver.
-Eve !cria t’elle. La
blonde platine se retourna et répondit de bref signe de la main « je finis
avec elle et j’arrive ».
-Vous savez qui c’est cette
petite blonde ?
-Luna
Lovegood?
-Ouais, c’est Luna alertés.
-Vous avez pas les crocs vous ?
demanda Emilie, pour relancer.
-alertés, il te faut
combien mon amie ? Rigola Nicolas.
- si on me le demande, je
dirai le monde répliqua elle, avant même que Nico finisse sa phrase.
-Prend moi un Schnikers
dans le mouvement. Nicolas lui tendit un euro et la grande brune partit sans
attendre dans la foule pressée du préau.
-Dieu te le rendra !
Répondit t'elle. Elle s’était retournée et bousculait les gens. Elle repartit
de plus belle, dans le bon sens.
Raoul se leva et, regardant
au loin, du haut des quatre marches, au dessus de la mer de lycéens humides,
déclara d’un ton calme.
-J'vais à l'administration.
Il sauta les quatre marches et traça entre les couples satisfaits, les groupes
d’étude et les bandes de loubard membré. Sophie et Nicolas ne dirent un mot et échangèrent
un regard de sitcom. Emilie se retourna en croisant Raoul et bouscula encore du
monde, puis remonta. Eve l’accompagnait.
-Alors quoi ? demanda
t’elle.
-Ben et toi ?
-Non, j’ai demandé d’abord.
-Relou a trouvé une
cassette en salle 404.
-C’est sûrement du porno,
dit Eve l’air blasé.